Thursday, September 07, 2006

Feelings - How About Bizinesy ?

Si vous suivez les actualités malagasy à travers les médias, vous avez sûrement remarqué que ces dernières 24 heures, la quasi-totalité de ceux-ci ont largement commenté la sortie du dernier rapport de la World bank (ou Banque Mondiale) et de sa "filiale" l' International Finance Corporation - I.F.C. (ou la Société Financière Internationale) : Doing Business 2007 - How to Reform [ici].
Voyons d'abord, avec quelle sorte de publication avons-nous affaire. Lorsque ces institutions internationales ont imaginé cette série de publication au début des années 2000, elles partaient d'un constat : l'évaluation de l'environnement des affaires telle qu'elle est effectuée par les institutions comme la Herirage Foundation, le World Economic Forum, la Freedom House, ... concerne surtout les country risk (ou risque pays), l'international competitiveness (ou compétitivité internationale), ... Elles ambitionnaient alors de combler un vide : analyser l'environnement des affaires à travers des indicateurs quantitatifs sur les actions publiques (de régulation, de réglementation, ...) et sur l'efficience des institutions publiques. Depuis 2003 donc, elles publient annuellement un rapport contenant une multitude de données, classées en dix catégories entre autres celles de starting a business (ou de création d'entreprises), de protecting investors (ou de protection des investisseurs). Et comme il est commode au sein des organisations internationales d'utiliser des indicateurs dits composites depuis la création par Ul Haq Mahbub et Amartya Sen de l'Indicateur de Développement Humain - I.D.H. utilisé par l' U.N.D.P., la série Doing Business a le sien (ou les siens). Pour le compte de la Banque et de l'I.F.C., des universitaires comme Andrei Shleifer, Oliver Hart, Florencio Lopes-de-Silanes, ... ont conçu à partir de multitude d'indicateurs, la Ease of Doing Business, c'est-à-dire un indicateur de la facilité à faire des affaires. Un classement mondial des différentes économies du globe est alors tiré à partir de cet indicateur.
Un post beaucoup plus élaboré évoquera prochainement sur ce blog l'environnement des affaires à Madagascar et abordera entre autres les chiffres de Doing Business 2007 sur l'économie Malagasy [ici]. Mais dans celui-ci, nous parlerons de la manière avec laquelle les journaux ont rapporté la sortie du rapport. Par cette manière, nous avons une vérification de l'adage bien connu des statisticiens : " la statistique est l'arme la plus efficace dans l'art du mensonge ". Les organes de presse ont interprêté les données du rapport Doing Business 2007, selon leur couleur politique. Nous n'allons pas faire un procès aux journalistes quant à leur objectivité, à leur éthique, ... chacun peut avoir ses préférences et les afficher à sa convenance. Ce que nous voulons mettre en exergue, ce sont les informations erronnées qu'ils véhiculent. Prenons les deux cas les plus extrêmes dans le paysage de la presse écrite : La Gazette de la Grande Ile (le journal considéré comme le plus critique vis-à-vis des dirigeants) et Le Quotidien (dont la ligne éditoriale est tout le contraire de celle de La Gazette politiquement parlant). La Une de La Gazette dans son édition du 07 Septembre 2006 : " D’après la Banque mondiale : Le climat des affaires se détériore " [ici] n'annonce rien de bon pour les tenants du Régime et leurs partisans. Au vu des classements du rapport Doing Business 2007 où Madagascar a avancé dans seulement trois catégories, stagné dans une catégorie et regressé dans six catégories, les matières à alimenter les critiques ne sont pas rares. Et (naturellement ?), La Gazette ne s'en est pas privée. Par contre, là où c'est drôle de lire l'article, c'est quand le journaliste écrit que les Comores sont classés 14ème (dans le classement général). Est-ce une faute de frappe, d'inattention ou une véritable incompétence ? Quelle que soit la cause de cette erreur, cette information devrait frapper dès la première lecture de l'article. Il ne s'agit pas rabaisser nos voisins Comoriens mais les classer à la 14è place mondiale comme le pays où il est le plus facile de faire des affaires, c'est quand même fort. Et après recoupements, nous verrons qu'en fait, les Comores se trouvent à la 144è place, ce qui fait quand même 130 places de différence.
Le côté amusant de nos amis journalistes est encore plus marqué dans la maison d'en face : chez Le Quotidien. Contrairement à La Gazette, Le Quotidien du 07 Septembre 2006 [ici] a surtout parlé des généralités du rapport, ce qu'il l'a amené à donner des bribes d'informations qui n'ont pas beaucoup de pertinence : par exemple, il évoque qu'il y a eu 213 réformes dans 112 pays au cours du premier semestre 2006, et là nous avons envie de dire : et alors ? Quand Le Quotidien parle du recul dans le classement général de Madagascar passant de la 148è place en 2005 à la 149è en 2006, il argumente que " ce recul doit être relativisé par son éligibilité dans le Compte du Millénaire. Cet honneur signifie que les bailleurs de fonds de l'Association internationale pour le développement (Ida) gardent confiance ". Le côté drôlissime monte alors d'un cran. Faut-il rappeler que le Millennium Challenge Account - M.C.A. (ou Compte du Millénaire) est un dispositif des Etats-Unis géré par la Millenium Challenge Corporation - M.C.C. et n'a donc rien à voir avec l'I.D.A. qui est la filiale de la Banque Mondiale s'occupant des pays pauvres ? Mais là où l'article fait le plus rire c'est quand le journaliste l'intitule : " Madagascar a engagé des réformes positives au niveau de la création d’emplois ". Nous avons cherché qu'est-ce qui a incité ce journaliste à titrer ainsi son papier. En fait, il voulait certainement parler des réformes considérées comme positives dans le rapport notamment sur les conditions de création d'entreprises. Sur ce plan, Madagascar a, en effet, amélioré son classement (l'une des trois améliorations sur les dix catégories de classement) en gagnant 28 places entre 2005 et 2006. Seulement voilà, le journaliste se trompe complètement s'il croit que conditions de création d'entreprises riment forcément avec conditions d'embauches et donc de création d'emplois. Il ne sait probablement pas que les indicateurs relatifs à l'embauche retenus par le rapport Doing Business montrent que la situation s'est dégradée à Madagascar entre 2005 et 2006 (avec un indicateur synthétique passant de 43 à 57, reflétant cette forte détérioration). Peut-être aussi que cela a échappé au journaliste qu'en matière d'embauche, Madagascar a perdu 36 places par rapport à l'année précédente. Donc, afficher comme titre que des réformes positives ont amélioré la création d'emplois, cela relève un peu de la clownerie.
L'illustre John Kenneth Galbraith a écrit qu' : " en économique, sauf de rares exceptions, tout ce qui compliqué est sans importance ", pour souligner le caractère simple de sa science. Mais de là à conclure que tout le monde peut s'improviser économiste, ...

1 comment:

Shadow said...

En surfant dans le bloggosphère Malagasy , nous pouvons tomber sur le blog Madagascar Croissance
dont justement, un topic évoque ce sujet : Doing business 2007 : les efforts de Madagascar ont été remarqués. Seulement, nous sommes étonnés en voyant dans le titre l'expression efforts remarqués. Nous tenons quand même à rappeler qu'il n'y a pas que dans le classement général que Madagascar a regressé. Sur les dix catégories d'indicateurs rentrant en compte de l'étude Doing Business, Madagascar a connu un recul de son classement dans six catégories.
Puis nous constatons que le recul est mis sur le compte de la mauvaise perception de la réalité. Ce qui nous paraît surprenant. En effet, nous tenons à préciser que lorsque la Banque et l'I.F.C. font leur évaluation sur Madagascar (en vue de la rédaction du rapport Doing Business), elles ont entre autres fait une enquête auprès des agents économiques Malagasy dont plus de 200 entreprises implantées à Madagascar. Elles collaborent également étroitement avec plus d'une vingtaine de spécialistes Malagasy travaillant au sein d'institutions publiques (Banque Centrale, Guide, ...), de cabinets d'études. Sans parler du fait que c'est à Madagascar (voilà plus de 2 ans déjà) que l'I.F.C. a ouvert le premier Small and Middle Entreprises Solutions Center en Afrique, sur lequel elle peut s'appuyer techniquement. Est-ce que toutes ces ressources qui travaillent quotidiennement dans l'environnement (Malagasy) des affaires ont toutes une vision déconnectée de la réalité ?
Enfin juste une précision sur les liens affichés dans ce post. Le lien censé mener vers le rapport complet conduit vers le rapport de l'année dernière (Creating Jobs), pas celui qui vient de sortir (How to Reform).