Wednesday, January 23, 2008

L'Economie Mondiale voit Rouge ?

Non, il ne s'agit pas ici d'un post pour traiter des récentes turbulences qui ont sécoué les marchés financiers aux situations fragiles. Il ne s'agit pas non plus de faire de la political economy of energy pour étudier les futures tendances du marché pétrolier. Ce post ne servira pas non plus à disserter sur ce que les grands de ce monde discuteront à Davos au World Economic Forum. (Une remarque : des videos sur certaines sessions de la rencontre peuvent être vues on line). En fait, il s'agit plutôt ici de se demander si les institutions de Bretton Woods, censées jouer les premiers rôles au niveau de l'économie mondiale, sont en train de s'hétérodoxiser ?
D'abord quelques précisions. En termes de courants de pensée économique, l'hétérodoxie se définit surtout par rapport à l'orthodoxie : la mainstream c'est-à-dire les courants qui arrivent à imposer leur domination sur le plan des paradigmes. Ici, le paradigme prend sa définition assez classique : une vision générale qui oriente l'interprétation et l'expérimentation de sorte à corroborer la valeur des argumentations de la science et à ancrer son support empirique. Les écoles apparentées à l'orthodoxie sont assez diverses mais elles se trouvent pour l'essentiel dans la lignée de la Neoclassical Economics composée par la Cambridge School (des Alfred Marshall, Arthur Pigou, ...) ; la Lausanne School (des Léon Walras, Vilfredo Pareto, ...) ; la First Vienna School (des Carl Menger, Friedrich Von Wiser, ...) ; la Second Vienna School (des Joseph Schumpeter, Friedrich Von Hayek, ...) ou s'inspirent de la Public Choice Economics (des James Buchanan, Gordon Tullock, ...) :
  • le Monetarism of the Third School of Chicago (des Milton Friedman, Allan Meltzer,...).
  • la Supply-side Economics (des Arthur Laffer, Jack Kemp, ... ) ;
  • la New Classical Macroeconomics (des Robert Barro, Robert Lucas, Edward Prescott, Finn Kydland, ...) ;
  • la New Institutional Economics (des Ronald Coase, Douglas North, Olivier Williamson, ...) ;
  • la New Political Economy (des Anne Krueger, ...) ;
  • et la New Keynesian Economics (des Joseph Stiglitz, Lawrence Summers, Stanley Fischer, ...).
Quand à l'hétérodoxie donc, elle rassemble les économistes qui ne s'identifient pas à travers ces courants dominants. En fait, la distinction entre orthodoxes et hétérodoxes n'est pas forcément à faire à travers le contenu des paradigmes. Comme le dit si bien Bernard Gerbier [in B. Gerbier : 1996 ; " Orthodoxie et Hétérodoxies Economiques : le Couple Infernal ", Economies et Sociétés, Série D, n°2, 9/1996, p. 193-201] :
L'existence réelle d'une orthodoxie ne tient pas tant au contenu du discours (qui peut-être variable selon les nécessités contingentes - politiques - de l'époque) mais à la capacité d'un groupe social à maîtriser le mode de production théorique et la reproduction de la catégorie de penseurs (des disciples). Il est donc exclu de pouvoir parler d'orthodoxie ou d'hétérodoxie dans l'abstraction des rapports sociaux . C'est même à la capacité à reconnaître l'existence ou à rendre compte de ces rapports sociaux dans la théorie que l'on va fondamentalement distinguer l'orthodoxe et l'hétérodoxe. C'est à notre sens le point fondamental de démarcations entre les deux catégories et en même temps le critère unificateur des hétérodoxies.
Comme opposition à l'orthodoxie, l'hétérodoxie regroupe également un certain nombre de courants dont les principaux sont des descendants intellectuels des Marxian Economics (des Michal Kalecki, Piero Sraffa, ...) ou se trouvent parmi les courants hétéroclites d'obédience Keynesienne :
  • la Radical Political Economy ou Neo-Marxism (des Paul Baran, Samir Amin, Andre Franck, ...) ;
  • la French Regulation School (des Michel Aglietta, Robert Boyer, ...) ;
  • le Post-keynesianism (des John Galbraith, William Vickrey, Paul Davidson, Marc Lavoie, ...) ;
  • ...
Mais revenons à notre sujet de départ : l'hétérodoxisation des institutions de Bretton Woods. L'Imf et la World Bank sont généralement considérés comme des temples de l'orthodoxie. Les témoignages de Claudio Loser dans Enemigos [Ernesto Tenembaum : 2004, Enemigos, Grupo Editorial Norma, Buenos Aires], un ancien haut fonctionnaire du Fonds montrent à quel point les experts de cette vénérable institution se fichent des résultats de leurs prescriptions du moment que les critères doctrinaux relatifs au libéralisme sont respectés. Seulement, les rapides mutations du monde ont mis le Fonds dans une crise existentielle comme le dit des voix respectées tel Kenneth Rogoff. Par ailleurs, ce ne sont pas les défis qui manquent que ce soit dans la mission traditionnelle relative au système monétaire et financier international d'après Jurgen Stark voire, selon Jean-Michel Severino, dans la contribution à la production d'autres biens publics internationaux comme la lutte contre la pauvreté. Et d'ailleurs, les propos de Dominique Strauss Kahn, alors qu'il n'était que candidat à la direction du Fonds allait dans ce sens.
Ainsi donc, le Fonds est amené à retravailler non seulement ses missions, ses manières d'agir, mais aussi ses fondements doctrinaux. C'est dans ce travail de quête idéologique que le Fonds est allé par exemple jusqu'à se tourner vers Karl Marx. Mais le changement de discours d'une institution comme le Fonds prend du temps à se concretiser. Toutefois, là où ce changement pourrait s'accélérer, c'est par une certaine purge ou tout au moins une plus grande ouverture dans le recrutement de ses hauts fonctionnaires. Ce à quoi Dsk aspire s'il faut se référer à ses premiers mots à la tête du Fonds. La diversification des têtes pensantes du Fonds, si elle n'a pas trait uniquement aux origines mais se reflète à travers les convictions idéologiques mêmes, alimentera les situations qualifiées de in-fighting dans le jargon de Bretton Woods. C'est-à-dire la tension entre la pensée dominante d'un côté et les multiples autres approches, conceptions, pratiques du terrain, ... d'un autre côté ; tension qui fait évoluer les lignes doctrinales in fine.
A propos de la diversification des têtes pensantes justement, la Banque prend une petite longueur d'avance sur le Fonds. Annoncé officieusement il y a une semaine par The Wall Street Journal ou encore par The Economist, le chinois Yifu Lin est le futur Senior Vice President, Development Economics, and Chief Economist de cette institution. La décision finale étant attendue d'ici quelques jours. Il suffit de voir la pointure des précédentes personnalités ayant occupé ce poste comme Anne Krueger, Stanley Fischer, le nobel Jospeh Stiglitz ou encore le très controversé mais pourtant considéré comme l'un des économistes les plus influents dans le monde, Larry Summers, ... pour se rendre compte de l'importance de ce poste.
L'identification des différents courants auxquels appartiennent les plus célèbres Chief Economists de la Banque montre que ce poste est souvent attribué aux économistes orthodoxes (essentiellement des deux écoles souvent opposées de New Classical Economics et New Keynesian Economics). L'arrivée de Yifu Lin bouleverserait un peu les pratiques. Il sera le premier Chief Economist originaire d'un pays en développement (quoique la classification de la Chine parmi les pays en développement est discutable). Certes il a été formé dans la moule orthodoxe incarnée par un PhD in Economics de l' Univeristy of Chicago. Mais il est intéressant de savoir que Yifu Lin a passé une partie de ses études à la Peking University où il a décroché un Master's Degree in Marxist Political Economy. L'essentiel des travaux de Yifu Lin sont plutôt d'ordre empirique. Comme conseiller du gouvernement chinois, il n'est pas étranger aux succès de la Chine qui a suivi une stratégie de développement non-orthodoxe, loin des prescriptions de l'orthodoxie, selon les termes de Dani Rodrik dans un article célèbre [in D. Rodrik : 2001, " Trading in Illusions ", Foreign Policy, March-April, N°123, pp. 54-62]. Mais finalement pour savoir si la Banque s'hétérodoxise, attendons un peu. D'ici deux à trois ans, nous pourrons palper les influences qu'aura exercé Yifu Lin sur elle.

4 comments:

Anonymous said...

sao dia mba tsy mahay Lin Lin akory io Justin Lin io? Toa tsy voalahatra ao amin'ny lisitry ny Economista 1000 akory? http://student.ulb.ac.be/~tcoupe/rank1000.html

Raha ny hevitro no misy manontany dia ry Dani Rodrik na ry Jeffrey Sacks no notsongaiko (ireo koa no mba fantatro anarana) ...

ary ny anao?

Shadow said...

Miarahaba,

Sarotra kosa aloha raha hamaivanina ingahy Lin satria tsy ho tafiditra ho isan'ny hosafidiana ho Chief economist izany mihitsy raha tsy rezatra (@ lafin'ny fikarohana, ...). Na ry Rodrik aza anie miaiky ny mahaizy azy an'i Lin e !

Na izany aza tena tombony ho azy ilay mahasinoa azy satria misy ihany ny mety afaka hitazona io toerana io avy @ tany andalampandrosoana (Daron Acemoglu, Hakim Hammouda, Touna Mama, Kwesi Botchwey, Bruno Bekolo-Ebe, ...) .

Izaho manokana tsy dia manan-tsafidy loatra. Aleo aloha tazonin-dry zalahy mandra-pa ... e !

Anonymous said...

Salut Shadow( tsinjo ihany ) .
Miarahaba alo e!Marina fa tena rezatra ilay Lin matoa tonga amin'io toerana be mpaniry io .Amiko alo normal raha tena mba ny olona avy aty am tany andalampandrosoana hoatra antsinka ndray no mandray toran'ny lehiben'ny economista ny banky mondialy .Raha l hoe avy aty afrika aloa sarotra ihany ny hino fa ho azon'ny Ben Hammouda , na ry Touna Mama ( keynesion circuitiste tsy possible mihintsy zany ) , ry Bekolo azo lazaina fa efa angarezona am sehatry ny ekonomiste aty afrika fa sarotra ihany sady ny taona koe efa mamely.
Zany eo ihany fa ny gasy mba aiza e!!! Aiza ny ekonomiste ny tanàna Ramahatra reny zao raha ts surdoué loatra !!!! mety mba azo nandrandraina .Dommage c 'est la vie .Ry PEPE aloha reconnue ihany aty afrika fa ts de mande lavitra ny reconnaissance.
ok de siks e!

Shadow said...

Miarahaba an'i Tsinjo,

Miala tsiny raha izao vao manohy ny resaka fa tsy dia manam-potoana firy.

Aiza ny malagasy ? Izay ilay fanontaniana manahirana.

Raha ny fahafantarako azy aloha tsy ho voatendry ho chief economist izany raha tsy tena efa avo lenta be ny laharana eny @ oniversite. Na afaka miambo maka an'izay laharana izay. Laharana no resahako fa tsy mari-pahaizana akory.

Ireo izay nandalo t@ io toerana chief economist io dia saika Full Professor (mitovitovy laharana @ Professeur des Universités na agrégés ). Ireo faramparany aza (A. Krueger, Jo Stiglitz, Larry Summers, ...) dia mbola nahazo named chair ka tafiditra @ laharana Distinguished Professors.

Izany hoe tsy miteny raha mbola Associate Professor (any Usa, Canada, China, ...) na Reader (any Uk) na Maître de conf (@ tany miteny frantsay) ny laharana.

Izay no olana @ gasy raha ny fahafantarako azy. Raha vao laharana eo @ oniversite no resahana mantsy dia matetika jeren'ny olona koa ny lanjan'ilay oniversite. Indrisy anefa fa tsy dia heveriko hoe lasa lavitra ny lazan'Ankatso @ izao.

Raha hijery indray ireo izay ivelan'Ankatso indrindra ny any andafy, na dia maro aza ny manana mari-pahaizana ambony PhD, Doctorat, Hdr, ... dia vitsy no tena manana laharana ambony @ oniversite na sampam-pikarohana.